Page:Nerval - Le Rêve et la Vie, Lévy, 1868.djvu/45

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fait souffrir. — Mais pour nous, nés dans des jours de révolutions et d’orages, où toutes les croyances ont été brisées, — élevés tout au plus dans cette foi vague qui se contente de quelques pratiques extérieures, et dont l’adhésion indifférente est plus coupable peut-être que l’impiété et l’hérésie, — il est bien difficile, dès que nous en sentons le besoin, de reconstruire l’édifice mystique dont les innocents et les simples admettent dans leurs cœurs la ligne toute tracée. « L’arbre de science n’est pas l’arbre de vie ! » Cependant, pouvons-nous rejeter de notre esprit ce que tant de générations intelligentes y ont versé de bon ou de funeste ? L’ignorance ne s’apprend pas.

J’ai meilleur espoir de la bonté de Dieu : peut-être touchons-nous à l’époque prédite où la science, ayant accompli son cercle entier de synthèse et d’analyse, de croyance et de négation, pourra s’épurer elle-même et faire jaillir du désordre et des ruines la cité merveilleuse de l’avenir… Il ne faut pas faire si bon marché de la raison humaine, que de croire qu’elle gagne quelque chose à s’humilier tout entière, car ce serait accuser sa céleste origine… Dieu appréciera la pureté des intentions sans doute ; et quel est le père qui se complairait à voir son fils abdiquer devant lui tout raisonnement et toute fierté ! L’apôtre qui voulait toucher pour croire n’a pas été maudit pour cela !


Qu’ai-je écrit là ? Ce sont des blasphèmes. L’humilité chrétienne ne peut parler ainsi. De telles pensées sont loin d’attendrir l’âme. Elles ont sur le front les éclairs d’orgueil de la couronne de Satan… Un pacte avec Dieu lui-même ?… Ô science ! ô vanité !


J’avais réuni quelques livres de cabale. Je me plongeai dans cette étude, et j’arrivai à me persuader que tout était vrai