Page:Nerval - Le Rêve et la Vie, Lévy, 1868.djvu/74

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comprendrez tout ce que je cherche à vous exprimer. Autant cela serait choquant pour une tête froide, autant cela doit toucher un cœur indulgent et tendre.

Un mouvement de vous m’a fait plaisir, c’est que vous avez paru craindre un instant que, depuis quelques jours, ma constance ne se fût démentie. Ah ! rassurez-vous. J’ai peu de mérite à la conserver ; il n’existe pour moi qu’une seule femme au monde.


LETTRE VIII

Souvenez-vous, oublieuse personne, que vous m’avez accordé la permission de vous voir une heure aujourd’hui. Je vous envoie mon médaillon en bronze pour fixer encore mieux votre souvenir. Il date déjà, comme vous pouvez voir, de l’an 1831, où il eut les honneurs du Salon. Ah ! j’ai été l’une des célébrités…, et je renoncerais encore aujourd’hui à cette partie que j’ai négligée pour vous, si vous me donnez lieu, de chercher à vous rendre fière de moi. Vous vous plaignez de quelques heures que je vous ai fait perdre ; moi, mon amour m’a fait perdre des années, et pourtant je les ressaisirais bien vite si vous vouliez. Que m’importe la renommée, tant qu’elle ne prendra pas vos traits pour me couronner ? Jusque-là, il y aura une gloire dans laquelle la mienne s’absorbera toujours : c’est la vôtre ; et jamais mes assiduités les plus grandes ne tendront à vous la faire oublier. Étudiez donc fortement, mais accordez-moi quelques-uns de vos instants de repos. Je vous avouerai que je suis aujourd’hui d’une humeur fort peu tragique, et que je risque dès lors beaucoup moins de vous déranger.


LETTRE X
(Le commencement manque.)

Je me heurte à chaque pas. M’avez-vous cru injuste, intolérant, capable de troubler votre repos par des folies ? Hélas ! vous le voyez, je raisonne trop juste, je juge trop froidement