Page:Nerval - Le Rêve et la Vie, Lévy, 1868.djvu/86

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ceux de l’Esprit qui m’était apparu en rêve. Un matin, à quelques jours de là, il tint ses yeux grands ouverts et ne les ferma plus. Il se mit aussitôt à parler, mais seulement par intervalle, et me reconnut, me tutoyant et m’appelant frère. Cependant, il ne voulait pas davantage se résoudre à manger. Un jour, revenant du jardin, il me dit :

— J’ai soif.

J’allai lui chercher à boire ; le verre toucha ses lèvres sans qu’il pût avaler.

— Pourquoi, lui dis-je, ne veux-tu pas manger et boire comme les autres ?

— C’est que je suis mort, dit-il ; j’ai été enterré dans tel cimetière, à telle place…

— Et maintenant, où crois-tu être ?

— En purgatoire, j’accomplis mon expiation.

Telles sont les idées bizarres que donnent ces sortes de maladies ; je reconnus en moi-même que je n’avais pas été loin d’une si étrange persuasion. Les soins que j’avais reçus m’avaient déjà rendu à l’affection de ma famille et de mes amis, et je pouvais juger plus sainement le monde d’illusions où j’avais quelque temps vécu. Toutefois, je me sens heureux des convictions que j’ai acquises, et je compare cette série d’épreuves que j’ai traversées à ce qui, pour les anciens, représentait l’idée d’une descente aux enfers.

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1855