Page:Nerval - Les Filles du feu.djvu/164

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Mais vous étiez, disait-on, en Italie. Vous en avez vu là de bien plus jolies que moi ! — Aucune, Sylvie, qui ait votre regard et les traits purs de votre visage. Vous êtes une nymphe antique que vous ignorez. D’ailleurs, les bois de cette contrée sont aussi beaux que ceux de la campagne romaine. Il y a là-bas des masses de granit non moins sublimes, et une cascade qui tombe du haut des rochers comme celle de Terni. Je n’ai rien vu là-bas que je puisse regretter ici. — Et à Paris ? dit-elle. — À Paris…

Je secouai la tête sans répondre.

Tout à coup je pensai à l’image vaine qui m’avait égaré si longtemps.

— Sylvie, dis-je, arrêtons-nous ici, le voulez-vous ?

Je me jetai à ses pieds ; je confessai en pleurant à chaudes larmes mes irrésolutions, mes caprices ; j’évoquai le spectre funeste qui traversait ma vie.

— Sauvez-moi ! ajoutai-je, je reviens à vous pour toujours.

Elle tourna vers moi ses regards attendris…

En ce moment, notre entretien fut interrompu par de violents éclats de rire. C’était le frère de Sylvie qui nous rejoignait avec cette bonne gaieté rustique, suite obligée d’une nuit de fête, que des rafraîchissements nombreux avaient développée outre mesure. Il appelait le galant du bal, perdu au loin dans les buissons d’épines et qui ne tarda pas à nous rejoindre. Ce garçon n’était guère plus solide sur ses pieds que son compagnon, il paraissait plus embarrassé encore de la présence d’un Parisien que de celle de Sylvie. Sa figure candide, sa déférence mêlée d’embarras m’empêchaient de lui en vouloir d’avoir été