Page:Nerval - Les Filles du feu.djvu/17

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

jours la mère la vendra avec avidité ; mais l’amant ne sera pas toujours cet honnête Achille, si beau, si bien armé, si galant et si terrible, quoiqu’un peu rhéteur pour un homme d’épée ! Moi, je m’indignais parfois d’avoir à débiter de si longues tirades dans une cause aussi limpide et devant un auditoire aisément convaincu de mon droit. J’étais tenté de sabrer, pour en finir, toute la cour imbécile du roi des rois, avec son espalier de figurants endormis ! Le public en eût été charmé ; mais il aurait fini par trouver la pièce trop courte, et par réfléchir qu’il lui faut le temps de voir souffrir une princesse, un amant et une reine ; de les voir pleurer, s’emporter et répandre un torrent d’injures harmonieuses contre la vieille autorité du prêtre et du souverain. Tout cela vaut bien cinq actes et deux heures d’attente, et le public ne se contenterait pas à moins ; il lui faut sa revanche de cet éclat d’une famille unique, pompeusement assise sur le trône de la Grèce, et devant laquelle Achille lui-même ne peut s’emporter qu’en paroles ; il faut qu’il sache tout ce qu’il y a de misères sous cette pourpre, et pourtant d’irrésistible majesté ! Ces pleurs tombés des plus beaux yeux du monde sur le sein rayonnant d’Iphigénie, n’enivrent pas moins la foule que sa beauté, ses grâces et l’éclat de son costume royal ! Cette voix si douce, qui demande la vie en rap-