Page:Nerval - Les Filles du feu.djvu/186

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du militaire et du marin, envierons-nous le sort du simple berger ? Le voilà qui chante et qui rêve :

Au jardin de mon père, — Vole, mon cœur vole ! — Il y a z’un pommier doux, — Tout doux !

Trois belles princesses, — Vole, mon cœur vole ! — Trois belles princesses — Sont couchées dessous, etc.

Est-ce donc la vraie poésie, est-ce la soif mélancolique de l’idéal qui manque à ce peuple pour comprendre et produire des chants dignes d’être comparés à ceux de l’Allemagne et de l’Angleterre ? Non, certes ; mais il est arrivé qu’en France la littérature n’est jamais descendue au niveau de la grande foule ; les poètes académiques du dix-septième et du dix-huitième siècle n’auraient pas plus compris de telles inspirations, que les paysans n’eussent admiré leurs odes, leurs épîtres et leurs poésies fugitives, si incolores, si gourmées. Pourtant comparons encore la chanson que je vais citer à tous ces bouquets à Chloris qui faisaient vers ce temps l’admiration des belles compagnies.

Quand Jean Renaud de la guerre revint, — Il en revint triste et chagrin ; — « Bonjour, ma mère. Bonjour, mon fils ! Ta femme est accouchée d’un petit.»

« Allez, ma mère, allez devant ; — Faites-moi dresser un beau lit blanc ; — Mais faites-le dresser si bas — Que ma femme ne l’entende pas ! »

Et quand ce fut vers le minuit, — Jean Renaud a rendu l’esprit.

Ici la scène de la ballade change et se transporte dans la chambre de l’accouchée :