Page:Nerval - Les Filles du feu.djvu/228

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auprès de la mère de Tomahawk, et, pendant ce temps, il n’avait pu la voir que deux fois. Enfin, le matin du vingt et unième jour, il fut mandé auprès de la souveraine de son cœur. Il s’y rendit peut-être plus bizarrement accoutré encore que lors de sa première demande, et, en balbutiant, il lui exprima de nouveau ses vœux. Jemmy l’écouta avec le sérieux d’un juge d’appel ; quand il eut terminé, elle lui montra silencieusement la table sur laquelle était étalé un habillement américain complet. Tomahawk retourna à sa cabane en poussant des cris de joie, et une demi-heure après, il parut un autre homme devant sa maîtresse. Il n’avait vraiment pas si mauvaise mine ; c’était un garçon bien fait, d’une taille élancée ; — Toffel n’était rien en comparaison ; — de plus, c’était le chef de plusieurs centaines de familles, et l’on ne pouvait voir en lui un mari si fort à dédaigner. Elle voulut bien alors tendre la main : il s’agissait encore d’une autre épreuve. Deux chevaux amenés par ordre de madame-mère se trouvaient à la porte — Jemmy ordonna à Tomahawk de les seller. Il obéit tout de suite en silence. Elle monta sur l’un, en lui faisant signe d’en faire autant et de la suivre. Le chef sauvage était surpris ; il la regarda fixement, mais suivit néanmoins sa maîtresse, qui, quittant le canton de Wigwam, dirigea leur course vers le sud ; plusieurs fois il se hasarda à lui demander où ils allaient, mais elle lui répondit par un geste, montrant d’un air significatif le lointain, et il se taisait et suivait. La paix s’était rétablie entre les Indiens et les colons pendant la captivité de Jemmy, et le dernier voyage de celle-ci lui avait été utile à quelque chose. Elle avait appris qu’une colonie américaine s’était formée, dans la direction du sud, à environ quarante milles de distance des