Page:Nerval - Les Filles du feu.djvu/257

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le séjour aux enfers de ce dieu qui juge les âmes ; — le Rédempteur promis à la terre, et que pressentaient depuis longtemps les poètes et les oracles, est-ce l’enfant Horus allaité par la mère divine, et qui sera le Verbe (logos) des âges futurs ? — Est-ce l’Iacchus-Iésus des mystères d’Eleusis, plus grand déjà, et s’élançant des bras de Déméter, la déesse panthée ? ou plutôt n’est-il pas vrai qu’il faut réunir tous ces modes divers d’une même idée, et que ce fut toujours une admirable pensée théogonique de présenter à l’adoration des hommes une Mère céleste dont l’enfant est l’espoir du monde ?

Et maintenant pourquoi ces cris d’ivresse et de joie, ces chants du ciel, ces palmes qu’on agite, ces gâteaux sacrés qu’on se partage à de certains jours de l’année ? C’est que l’enfant sauveur est né jadis en ce même temps. — Pourquoi ces autres jours de pleurs et de chants lugubres où l’on cherche le corps d’un dieu meurtri et sanglant, — où les gémissements retentissent des bords du Nil aux rives de la Phénicie, des hauteurs du Liban aux plaines où fut Troie ? Pourquoi celui qu’on cherche et qu’on pleure s’appelle-t-il ici Osiris, plus loin Adonis, plus loin Atys ? et pourquoi une autre clameur qui vient du fond de l’Asie cherche-t-elle aussi dans les grottes mystérieuses les restes d’un dieu immolé ? — Une femme divinisée, mère, épouse ou amante, baigne de ses larmes ce corps saignant et défiguré, victime d’un principe hostile qui triomphe par sa mort, mais qui sera vaincu un jour ! La victime céleste est présentée par le marbre ou la cire, avec ses chairs ensanglantées, avec ses plaies vives, que les fidèles viennent toucher et baiser pieusement. Mais le troisième jour tout change : le corps a disparu, l’immortel s’est révélé ; la joie succède aux pleurs,