Page:Nerval - Les Filles du feu.djvu/286

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

coupe encore assez bien dans sa chaussure brune. Et ma main, l’avez-vous seulement touchée ?

FABIO. Il est vrai que ton pied est charmant, et ta main… Dieu ! qu’elle est douce !… Mais, écoute, je ne veux pas te tromper, mon enfant, c’est bien elle seule que j’aime, et le charme qui m’a séduit n’est pas né dans une soirée. Depuis trois mois que je suis à Naples, je n’ai pas manqué de la voir un seul jour d’Opéra. Trop pauvre pour briller près d’elle, comme tous les beaux cavaliers qui l’entourent aux promenades, n’ayant ni le génie des musiciens, ni la renommée des poètes qui l’inspirent et qui la servent dans son talent, j’allais sans espérance m’enivrer de sa vue et de ses chants, et prendre ma part dans ce plaisir de tous, qui pour moi seul était le bonheur et la vie. Oh ! tu la vaux bien peut-être, en effet… mais as-tu cette grâce divine qui se révèle sous tant d’aspects ? As-tu ces pleurs et ce sourire ? As-tu ce chant divin, sans lequel une divinité n’est qu’une belle idole ? Mais alors tu serais à sa place, et tu ne vendrais pas des fleurs aux promeneurs de la Villa-Reale…

LA BOUQUETIÈRE. Pourquoi donc la nature, en me donnant son apparence, aurait-elle oublié la voix ? Je chante fort bien, je vous jure ; mais les directeurs de San-Carlo n’auraient jamais l’idée d’aller ramasser une prima donna sur la place publique… Ecoutez ces vers d’opéra que j’ai retenus pour les avoir entendus seulement au petit théâtre de la Fenice.

(Elle chante.)

Air italien.