Page:Nerval - Les Filles du feu.djvu/288

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Ma foi, vous avez bien fait, et vous êtes plus heureux que moi ce soir.

FABIO. Eh bien ! qu’avez-vous donc fait de la signora Corilla ? vous alliez souper ensemble gaiement.

MARCELLI. Ma foi, l’on ne comprend rien aux caprices des femmes. Elle s’est dite malade, et je n’ai pu que la reconduire chez elle ; mais demain…

FABIO. Demain ne vaut pas ce soir, seigneur Marcelli.

MARCELLI. Voyons donc cette ressemblance tant vantée… Elle n’est pas mal, ma foi !… mais ce n’est rien ; pas de distinction, pas de grâce. Allons, faites-vous illusion à votre aise… Moi, je vais penser à la prima donna de San-Carlo, que j’épouserai dans huit jours.

CORILLA, reprenant son ton naturel. Il faudra réfléchir là-dessus, seigneur Marcelli. Tenez, moi, j’hésite beaucoup à m’engager. J’ai de la fortune, je veux choisir. Pardonnez-moi d’avoir été comédienne en amour comme au théâtre, et de vous avoir mis à l’épreuve tous deux. Maintenant, je vous l’avouerai, je ne sais trop si aucun de vous m’aime, et j’ai besoin de vous connaître davantage. Le seigneur Fabio n’adore en moi que l’actrice peut-être, et son amour a besoin de la distance et de la rampe allumée ; et vous, seigneur Marcelli, vous me paraissez vous aimer avant tout le monde, et vous émouvoir difficilement dans l’occasion. Vous êtes trop mondain, et lui trop poète. Et maintenant, veuillez tous deux m’accompagner. Chacun de