Page:Nerval - Les Filles du feu.djvu/298

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Ne pensez pas que ces préliminaires nous conduisent à une de ces histoires où la pitié devient de l’amour, comme dans les opéras du temps. Le lieutenant avait désormais des idées plus sérieuses. Content d’être encore jugé comme un cavalier passable, il se hâta de rassurer les deux dames, qui paraissaient disposées, d’après sa transformation, à revenir sur l’intimité commencée entre eux trois. Leur réserve ne put tenir devant ses franches déclarations. L’union était sortable de tous points, d’ailleurs : Desroches avait un petit bien de famille près d’Epinal ; Emilie possédait, comme héritage de ses parents, une petite maison à Haguenau, louée au café de la ville, et qui rapportait encore cinq à six cents francs de rente. Il est vrai qu’il en revenait la moitié à son frère Wilhelm, principal clerc du notaire de Schennberg.

Quand les dispositions furent bien arrêtées, on résolut de se rendre pour la noce à cette petite ville, car là était le domicile réel de la jeune fille, qui n’habitait Metz depuis quelque temps que pour ne point quitter sa tante. Toutefois, on convint de revenir à Metz après le mariage. Emilie se faisait un grand plaisir de revoir son frère. Desroches s’étonna à plusieurs reprises que ce jeune homme ne fût pas aux armées comme tous ceux de notre temps ; on lui répondit qu’il avait été réformé pour cause de santé. Desroches le plaignit vivement.

Voici donc les deux fiancés et la tante en route pour Haguenau, ils ont pris des places dans la voiture publique qui relaye à Bitche, laquelle était alors une simple patache composée de cuir et d’osier. La route est belle, comme vous savez. Desroches, qui ne l’avait jamais faite qu’en uniforme, un sabre à la main, en compagnie de