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LES FILLES DU FEU

Une plus modeste série d’étalages régnait le long de sombres boutiques, entourant les parties les moins luxueuses du bazar, — consacrées à la mercerie, à la cordonnerie et aux divers objets d’habillement. C’étaient des libraires, venus de divers points de l’Allemagne, et dont la vente la plus productive paraissait être celle des almanachs, des images peintes et des lithographies : le Wolks-Kalender (Almanach du peuple), avec ses gravures sur bois, — les chansons politiques, les lithographies de Robert Blum et des héros de la guerre de Hongrie, voilà ce qui attirait les yeux et les kreutzers de la foule. Un grand nombre de vieux livres, étalés sous ces nouveautés, ne se recommandaient que par leurs prix modiques, — et je fus étonné d’y trouver beaucoup de livres français.

C’est que Francfort, ville libre, a servi longtemps de refuge aux protestants ; — et, comme les principales villes des Pays-Bas, elle fut longtemps le siége d’imprimeries qui commencèrent par répandre en Europe les œuvres hardies des philosophes et des mécontents français, — et qui sont restées, sur certains points, des ateliers de contrefaçon pure et simple, qu’on aura bien de la peine à détruire.

Il est impossible, pour un Parisien, de résister au désir de feuilleter de vieux ouvrages étalés par un bouquiniste. Cette partie de la foire de Francfort me rappelait les quais, — souvenir plein d’émotion et de charme. J’achetai quelques vieux livres, — ce qui me donnait le droit de parcourir longuement les autres. Dans le nombre, j’en rencontrai un imprimé moitié en français, moitié en allemand, et dont voici le titre, que j’ai pu vérifier depuis dans le Manuel du Libraire de Brunet :