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LES FILLES DU FEU

lettres qu’elle écrivait à son amant. « Je n’avais pas d’autre divertissement, dit-elle, car les belles pierres, ni les belles tapisseries et beaux habits, sans la conversation des honnêtes gens, ne me pouvaient plaire… Notre revue fut à Saint-Rimaut, avec des contentements si grands, que personne ne peut le savoir que ceux qui ont aimé. Je le trouvai encore plus aimable dans cet habit, qu’il avait d’écarlate… »

Les rendez-vous du soir recommencèrent. Le valet Dourdillie n’était pas au château, et sa chambre était occupée par un fauconnier nommé Lavigne qui faisait semblant de ne s’apercevoir de rien.

Les relations se continuèrent ainsi, toujours chastement, du reste, — et ne laissant regretter que les mois d’absence de la Corbinière, forcé souvent de suivre le comte aux lieux où l’appelait son service militaire. « Dire, écrit Angélique, tous les contentements que nous eûmes en trois ans de temps en France[1] serait impossible. »

Un jour, la Corbinière devint plus hardi. Peut-être les compagnies de Paris l’avaient-elles un peu gâté. — Il entra dans la chambre d’Angélique fort tard. Sa suivante était couchée à terre, elle dans son lit. Il commença par embrasser la suivante d’après la supposition habituelle, puis il lui dit : « Il faut que je fasse peur à madame. »

« Alors, ajoute Angélique, — comme je dormais, il se glissa tout d’un temps en mon lit, avec seulement un caleçon. Moi, plus effrayée que contente, je suppliai, par la passion qu’il avait pour moi, de s’en aller bien vite,

  1. On disait alors ces mots : en France, de tous les lieux compris dans l’Île-de-France. Plus loin commençait la Picardie et le Soissonnais. Cela se dit encore pour distinguer certaines localités.