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LES FILLES DU FEU

Je me rends compte difficilement du voyage qu’a fait La Corbinière en Allemagne. La demoiselle de Longueval n’en dit qu’un mot. À cette époque, on appelait l’Allemagne les pays situés dans la haute Bourgogne, — où nous avons vu que M. de Longueville avait été malade de la dyssenterie. Probablement La Corbinière était allé quelque temps près de lui.

Quant au caractère des pères de la province que je parcours, il a été éternellement le même si j’en crois les légendes que j’ai entendu chanter dans ma jeunesse. C’est un mélange de rudesse et de bonhomie tout patriarcal. Voici une des chansons que j’ai pu recueillir dans ce vieux pays de l’Île-de-France, qui, du Parisis, s’étend jusqu’aux confins de la Picardie :

 
Le roi Loys est sur son pont
Tenant sa fille en son giron.
Elle lui demande un cavalier…
Qui n’a pas vaillant six deniers !

— Oh ! oui, mon père, je l’aurai
Malgré ma mère qui m’a portée.
Aussi malgré tous mes parents
Et vous, mon père… que j’aime tant !

— Ma fille, il faut changer d’amour,
Ou vous entrerez dans la tour… —
J’aime mieux rester dans la tour,
Mon père ! que de changer d’amour !

— Vite… où sont mes estafiers,
Aussi bien que mes gens de pied ?