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ANGÉLIQUE

trois ans dans les pays de Flandre, il obtint cependant un traité d’armistice de dix ans en faveur de ces provinces, que Louis XIV dévasta plus tard.

Étonnez-vous maintenant des persécutions qu’eut à subir l’abbé de Bucquoy, — sous le ministère de Pontchartrain.

Quant à Angélique de Longueval, c’est l’opposition même en cotte hardie. Cependant elle aime son père, — et ne l’avait abandonné qu’à regret. Mais du moment qu’elle avait choisi l’homme qui semblait lui convenir, — comme la fille du duc Loys choisissant Lautrec pour cavalier, — elle n’a pas reculé devant la fuite et le malheur, et même, ayant aidé à soustraire l’argenterie de son père, elle s’écriait : « Ce que c’est de l’amour ! »

Les gens du moyen âge croyaient aux charmes. Il semble qu’un charme l’ait en effet attachée à ce fils de charcutier, — qui était beau s’il faut l’en croire ; mais qui ne semble pas l’avoir rendue très-heureuse. Cependant en constatant quelques malheureuses dispositions de celui qu’elle ne nomme jamais, elle n’en dit pas de mal un instant. Elle se borne à constater les faits, — et l’aime toujours, en épouse platonicienne et soumise à son sort par le raisonnement.


Les discours du lieutenant-colonel, qui voulait éloigner La Corbinière de Venise, avaient donné dans la vue de ce dernier. Il vend tout à coup son enseigne pour se rendre à Inspruck et chercher fortune en laissant sa femme à Venise.

« Voilà donc, dit Angélique, l’enseigne vendue à cet homme qui m’aimait, content (le lieutenant-colonel) en