Page:Nerval - Les Illuminés, 1852.djvu/118

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lendemain ! — La mort, s’il le faut ! s’écria Nicolas en saisissant les bras étendus de la dormeuse… Il ne manquait à la péripétie que le coup de fusil de l’oncle jaloux. Une autre catastrophe en remplaça l’effet. L’abbé Thomas avait suivi Nicolas dans son escapade ; d’un pied brutal, il l’enleva en un instant à toute la poésie de la situation. Pendant ce temps, la pauvre Marguerite toute effarée croyait voir se renouveler, à vingt ans de distance et sous une autre forme, le sinistre dénoûment du drame amoureux qu’elle venait de rêver. Les deux enfants de chœur, entendant du bruit, venaient compléter le tableau. L’abbé Thomas les chassa avec fureur, puis, prenant Nicolas par une oreille, il le ramena dans sa chambre, le fit habiller aussitôt, et, sans attendre le jour, se mit en route avec lui pour la maison paternelle. Le scandale fut tel qu’il se tint le lendemain un conseil de famille dans lequel on décida que Nicolas serait mis en apprentissage chez M. Parangon, imprimeur à Auxerre. Marguerite fut elle-même soupçonnée d’avoir, par son indulgence et sa coquetterie, donné lieu à la scène qui s’était passée, et on la remplaça au presbytère par une dévote à la taille robuste qui s’appelait sœur Pilon.

Conduit par son père à Auxerre, peu de deux jours après, Nicolas alla dîner une seconde fois chez Mme Jeudi, la marchande janséniste, amie de leur famille. La tranquillité de cette maison n’avait pas été moins troublée que celle du presbytère de Courgis. La jeune marié était en pénitence et parut à table avec une grosse coiffe et des cornes de papier. Son crime était de s’être dérobée à la double surveillance de Mme Jeudi et de sa grande nièce d’une manière que rendait évidente le raccourcissement de sa jupe, et cela, sans la permission de sa mère. Le gendre avait été renvoyé à ses parents comme un libertin et