Page:Nerval - Les Illuminés, 1852.djvu/122

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En ce moment, le sourire gracieux de la jeune femme vint rappeler à Nicolas un souvenir évanoui. Cette femme, il l’avait vue, autrefois, mais non pas telle qu’elle lui apparaissait maintenant ; son image se trouvait à demi noyée dans une de ces impressions vagues de l’enfance qui reviennent par instants comme le souvenir d’un rêve.

— Eh quoi ! dit Mme  Parangon, vous ne reconnaissez pas la petite Colette de Vermanton ?

— Colette ? c’est toi ?… C’est vous, madame ! balbutia Nicolas.

Les ouvriers retournaient à leurs travaux ; le jeune apprenti resta seul, rêvant à cette scène, résultat d’un hasard si simple. Cependant la dame avait passé dans une arrière-salle, où sa servante l’aidait à se débarrasser de ses vêtements de voyage. Elle en sortit quelques minutes après. « Tiennette m’a dit que vous étiez un garçon très honnête… et très discret, ajouta-t-elle en faisant allusion sans doute à ce qui s’était passé dans le cabinet de M. Parangon. Voici un objet qui vous sera utile dans vos travaux. » Et elle lui donna une montre d’argent.

De ce moment, Nicolas fut très respecté dans l’atelier et dispensé des ouvrages les plus rebutants. Son goût pour l’étude, son éloignement des dissipations et de la débauche, où tombaient plusieurs de ses camarades, augmentèrent l’estime que faisait de lui Mme  Parangon, qui aimait à s’entretenir avec le jeune apprenti et l’interrogeait souvent sur ses lectures. Les romans de Mme  de Villedieu, et même la Princesse de Clèves ne lui paraissaient pas d’un enseignement bien solide. — Mais je lis aussi Térence, dit Nicolas, et même j’en ai commencé une traduction. — Ah ! lisez-moi cela ! dit Mme  Parangon. Il alla chercher son cahier et lut une partie de l’Andrienne. Le feu qu’il mettait dans son débit, surtout dans les passages