Page:Nerval - Les Illuminés, 1852.djvu/155

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dissertation philosophique sur la corruption des grandes villes, sur la nécessité de moraliser la police, le tout mêlé de considérations touchant l’antique institution des hétaïres, sur des règlements à établir dans le goût de ceux qu’avait institués Jeanne de Naples dans sa bonne ville d’Avignon. Il n’était jamais à bout ni d’arguments ni de science. Le bon Loiseau se borna à dire quelques mots de Mme  Parangon. Nicolas se tut ; cependant il ne put s’empêcher de passer le soir du côté gauche de la rue Saint-Honoré, en regardant toujours avec intérêt la pauvre enfant et lui adressant quelques paroles. Loiseau lui en fit encore la guerre. Il prit dès-lors un autre chemin pour se rendre de l’imprimerie du Louvre à la rue Sainte-Anne.

Depuis quelque temps, Nicolas se sentait malade ; il lui survenait des étouffements périodiques qui duraient plusieurs heures. Le travail lui devenait impossible, il lui fallut rester au lit. Loiseau travaillait pour tous deux ; mais leurs ressources ne tardèrent pas à s’épuiser. L’infortuné demeurait au cinquième, chez un fruitier, qui en même temps était afficheur. Un grabat, deux chaises, une table boiteuse, un vieux coffre, tel était son mobilier. Il recevait le jour par une chatière garnie de deux carreaux de papier huilé. Les planches de la cloison qui séparait son réduit de celui de Loiseau étaient couvertes d’affiches de théâtre posées par le fruitier pour en clore les interstices, et le malade n’avait d’autre distraction que de lire là Mérope, là Alcyone, là cette Bohémienne où il avait admiré Mme  Favart, ailleurs la Gouvernante, où Mlle  Hus était si médiocre, mais si jolie, puis encore les Dehors trompeurs, qui lui rappelaient la belle Guéant, ou Arlequin sauvage, drame singulier où brillait une certaine Coraline dont les traits avaient quelque rapport avec ceux