Page:Nerval - Les Illuminés, 1852.djvu/159

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à la seconde classe, n’étant pas née dans la première, voilà tout.

Le lendemain était un dimanche, elle resta avec les deux amis, et leur dit : « J’ai tout appris à ma mère ; elle me permet de venir toute la journée. Elle approuve mes sentiments ; elle aime mieux me voir fréquenter un bon ouvrier qu’un sergent qui me battrait, ou qu’un joueur qui me prendrait tout. Elle est très bonne, ma mère… » Loiseau gardait le silence en fronçant le sourcil ; Nicolas, qui reprenait des forces, se leva tout à coup avec son ancienne exaltation, et revêtit son unique habit. — Allons chez sa mère, dit-il à Loiseau. — Recouche-toi, répondit ce dernier… — Non ! aussi bien, je mourrais à me tordre de désespoir sur ce lit. Ceci est une crise qui me sauve ! Il ne faut pas que cette jeune fille retourne ce soir dans cette maison… Mon mal a changé de caractère ; je n’ai plus d’oppression, j’ai la fièvre et la rage toutes les nuits, à partir de l’heure où elle nous quitte : comprends-tu pourquoi ?

Loiseau essaya en vain des représentations ; Nicolas n’écoutait rien dans ses moments d’enthousiasme. Ils se rendirent rue Saint-Honoré, chez la mère, qui se nommait Perci. C’était une ancienne revendeuse à la toilette et prêteuse sur gages, chez laquelle il s’était donné des rendez-vous de galants et de grandes dames qui avaient été surpris par les sergents ; on l’avait condamnée à une forte amende, moins pour le délit même que pour n’avoir point payé les redevances d’usage à la police : depuis ce temps, elle avait pris patente, afin d’être tranquille. Interrogée par Nicolas et Loiseau, elle jura que sa fille était jusqu’ici demeurée honnête, mais qu’on n’attendait que l’âge convenable pour la lancer dans le monde avec l’autorisation du lieutenant de police. Les deux ouvriers