Page:Nerval - Les Illuminés, 1852.djvu/164

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Le commissaire s’était retiré, mais après avoir pris les noms et les adresses des combattants. Malgré le désistement des mousquetaires, l’aventure pouvait avoir des suites fâcheuses pour de pauvres diables comme Nicolas et Loiseau ; de plus, l’instruction de l’affaire, si peu importante qu’elle fût devenue, attirait nécessairement les yeux sur la position particulière de Zéfire, cause innocente de la lutte. Cependant la pauvre fille était moins préoccupée de cela que du danger que pouvaient courir ses amis : on la ramena au magasin en proie à un accès de fièvre. Malheureusement les filles de modes étaient rentrées ; elles entendaient, ainsi que la maîtresse, ce qu’elle disait dans son délire : « J’irai trouver ma mère ! elle a des protecteurs puissants !… J’avais bien juré pourtant de ne plus mettre les pieds dans sa maison… mais il le faut… Ma mère est l’amie intime du lieutenant de police : c’est lui qui lui a fait avoir une patente… et puis elle est riche… et puis elle connaît de grandes dames… Elle est si complaisante, ma mère !… Tous ces gens-là l’ont perdue… mais elle a bon cœur au fond !… Sans cela, Nicolas et Loiseau seraient pendus comme huguenots, et c’est moi qui en serais cause… Pourquoi ? Parce que je suis la fille… de ma mère !… »

Loiseau et Zoé frémissaient de ces aveux entrecoupés et de l’étonnement des personnes de la boutique. Il fallut leur tout avouer ; elles ne furent que profondément affectées du malheur et de la situation de leur compagne. Nicolas n’était pas présent à cette scène, car il n’allait pas à la boutique de modes, craignant de compromettre Zéfire. De plus, il ne s’était pas douté de la gravité du mal qui l’avait atteinte, et pensait, en s’en retournant seul, qu’elle était seulement indisposée des suites de son évanouissement. Loiseau, le retrouvant le soir, n’osa lui