Page:Nerval - Les Illuminés, 1852.djvu/176

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le bras autour de son cou, ce bras de juive déjà parfait, bien qu’elle n’eût que quinze ans, cette petite main effilée dont les doigts roses traversaient les boucles encore bien fournies de la chevelure de Nicolas.

Le calme rentrait peu à peu dans le cœur de l’écrivain ; l’agitation nerveuse se calmait ; Nicolas reposait ses yeux avec charme sur les traits si réguliers de la pauvre enfant ; il ne put retenir un aveu, longtemps arrêté sur ses lèvres : — Qu’avez-vous ? lui dit Sara en le voyant un instant rêveur.

— Je pense à toi, dit-il, charmante enfant ! Il faut te le dire enfin, depuis longtemps je t’aime… et je te fuyais toujours, effrayé de ta jeunesse et de ta beauté !

— Toujours, jusqu’au matin où je suis venue te voir moi-même !

— Que voulais-tu que je t’offrisse ? Un cœur flétri par la douleur… et par les regrets !

— Que regrettes-tu maintenant ? Ton cœur n’est-il point calmé ?

— Il bat plus que jamais ; tiens ! touche ma poitrine.

— Ah ! c’est qu’il y a là sans doute…

— Eh ! quoi donc ?

— De l’amour !… dit faiblement Sara.

Nicolas revint à lui-même ; sa philosophie d’écrivain lui rendit un instant de force.

— Non, dit-il gravement ; je n’ai pour toi, mon enfant, qu’une sincère et constante amitié.

— Et moi, si j’avais de l’amour ?

— Il cesserait trop tôt.

Sara baissa les yeux.

— Il y a un an, reprit Nicolas, j’avais encore une fois cédé au charme…

— Et pour qui ? dit Sara levant vivement la tête.