Page:Nerval - Les Illuminés, 1852.djvu/195

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depuis peu d’une maladie que lui avait causée le triste dénoûment de son aventure avec Zéfire. Deux dames anglaises vinrent s’asseoir sur un banc où il se reposait. L’une d’elles s’appelait Macbell, — c’était la tante de l’autre, nommée Henriette Kircher, — une ravissante figure encadrée d’admirables grappes de cheveux dorés s’échappant de dessous un large chapeau à la Paméla. La conversation s’engage. La tante parle d’un procès qui intéresse toute la fortune de la jeune personne, et qu’elles vont perdre, attendu leur qualité d’étrangères. Un seul moyen se présente pour éviter ce malheur : il faudrait qu’Henriette Kircher épousât un Français, et cela dans les vingt-quatre heures, car le procès se juge le surlendemain ; mais comment trouver en si peu de temps un parti convenable ? Nicolas, l’homme des impressions et des résolutions subites, se déclare amoureux fou de la jeune miss ; celle-ci le trouve à son gré, et le lendemain même, devant quatre témoins, domestiques de l’ambassade anglaise, le mariage se célèbre tour à tour à la paroisse de Nicolas et à la chapelle anglicane. Le procès fut gagné. De ce moment, Nicolas vécut avec sa nouvelle famille, épris de plus en plus des charmes de l’Anglaise, qui paraissait l’adorer. Un lord nommé Taaf était l’unique visiteur reçu dans la maison. Il avait de longs entretiens avec la tante, et paraissait contrarié des marques d’affection que se donnaient les époux.

Un matin, Nicolas se réveille ; il s’étonne de ne plus trouver sa femme auprès de lui, il l’appelle, il se lève ; l’appartement est en désordre, les armoires sont ouvertes, tout est vide, ses habits même ont disparu. Voici la lettre qu’il trouve sur une table :

« Cher époux, on m’enlève à ta tendresse. On me livre