Page:Nerval - Les Illuminés, 1852.djvu/240

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personnage est fort âgé, et la femme, victime d’un mariage de convenance, promet à Fontlèthe qu’il sera éventuellement son second époux. Le jeune homme se fatigue d’attendre ; dans un moment de découragement, il renonce à la vie et prend de l’opium. En ce moment on lui apporte un billet de faire-part qui l’instruit de la mort du magistrat. Désespéré doublement, il court chez son médecin, qui lui donne un contre-poison. Il se croit sauvé : il épouse bientôt celle qu’il aimait ; mais, quelques jours après le mariage, une langueur inconnue le saisit : il consulte la faculté. C’est le poison mal combattu qui cause son mal. On lui annonce, sur ses instances réitérées, qu’il n’a plus guère qu’un an à vivre. La mort l’épouvante moins que la pensée de quitter une femme jeune, honnête, il est vrai, mais qui ne peut manquer de se remarier après lui. Il conçoit alors un projet singulier, c’est de s’éloigner de sa femme et de faire en sorte qu’elle ignore le moment où il mourra. Il demande au ministre une mission pour l’Italie et part pour Florence, sous prétexte de services importants à rendre à l’état. Il prolonge son séjour sous divers motifs, et, dans l’année qui lui reste, écrit une série de lettres qui devront être adressées à sa femme de différents points de la terre et à diverses époques, comme si l’état l’eût envoyé de pays en pays sans qu’il pût refuser ses services. Ces lettres, confiées à des amis sûrs, se succèdent, en effet, pendant plusieurs années, apportant la consolation à cette veuve sans le savoir. Le correspondant posthume n’a eu qu’une pensée, c’est de prouver à sa femme, un peu adonnée aux idées matérialistes du temps, que l’âme survit au corps et retrouve dans d’autres régions toutes les personnes aimées. Ce cadre est fort beau sans doute ; seulement Restif, qui, en réalité, est une sorte de spiritualiste païen, tire de la doc-