Page:Nerval - Les Illuminés, 1852.djvu/245

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vera que Restif, bien que communiste, n’était pas un ennemi de la monarchie. Il avait à la convention nationale un ami qu’il aimait et estimait depuis longtemps. Le jour de la condamnation de Louis XVI, Restif alla, avec un pistolet dans sa poche, attendre son ami sous les portiques, et lui dit, quand il le vit sortir de l’assemblée : « Avez-vous voté la mort du roi ? — Non, je ne l’ai pas votée. — Tant mieux pour vous, reprit l’écrivain, car je vous aurais brûlé la cervelle. »

L’œuvre complète de Restif de la Bretone s’élève à plus de deux cents volumes. Nous n’avons pas compris dans notre énumération quelques romans-pamphlets tels que la Femme infidèle et Ingénue Saxancourt, dirigés l’un contre sa femme Agnès Lebègue, l’autre contre son gendre Augé. Cette rage de vouloir constamment prendre le public pour arbitre et pour juge de ses dissensions domestiques était devenue, dans les derniers temps de la vie du romancier, une véritable maladie, de celles que les médecins rangent parmi les variétés de l’hypocondrie. On conçoit qu’une injustice aveugle a pu résulter de cette disposition. Du reste, sa femme elle-même le comprit ainsi, car, dans une lettre adressée à Palmezeaux, qui lui demandait des renseignements sur le caractère de son mari, on ne trouve que des éloges sur sa bienfaisance et sur cette sympathie pour l’humanité en général, qui, ainsi que chez la plupart des réformateurs, ne se répandait pas toujours sur ses amis et sur ses proches.

Nous avons donné, avec trop de développement peut-être, le récit d’une existence dont l’intérêt ne réside sans doute que dans l’appréciation des causes morales qui ont amené nos révolutions. Les grands bouleversements de la nature font monter à la surface du sol des matières in-