Page:Nerval - Les Illuminés, 1852.djvu/263

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sans méthode répandaient dans sa pensée, le fatiguait lui-même, et il avait besoin de se rattacher à une doctrine complète. Celle des Martinistes, au nombre desquels il se fit recevoir, avait été introduite en France par Martinez Pasqualis, et renouvelait simplement l’institution des rites cabalistiques du xie siècle, dernier écho de la formule des gnostiques, où quelque chose de la métaphysique juive se mêle aux théories obscures des philosophes alexandrins.

L’école de Lyon, à laquelle appartenait dès lors Cazotte, professait, d’après Martinez, que l’intelligence et la volonté sont les seules forces actives de la nature, d’où il suit que, pour en modifier les phénomènes, il suffit de commander fortement et de vouloir. Elle ajoutait que, par la contemplation de ses propres idées et l’abstraction de tout ce qui tient au monde extérieur et au corps, l’homme pouvait s’élever à la notion parfaite de l’essence universelle et à cette domination des esprits dont le secret était contenu dans la Triple contrainte de l’enfer, conjuration toute-puissante à l’usage des cabalistes du moyen âge.

Martinez, qui avait couvert la France de loges maçonniques selon son rite, était allé mourir à Saint-Domingue ; la doctrine ne put se conserver pure, et se modifia bientôt en admettant les idées de Swedenborg et de Jacob Boehm, qu’on eut de la peine à réunir dans le même symbole. Le célèbre Saint-Martin, l’un des néophytes les plus ardents et les plus jeunes, se rattacha particulièrement aux principes de ce dernier. À cette époque, l’école de Lyon s’était fondue déjà dans la société des Philalèthes, où Saint-Martin refusa d’entrer, disant qu’ils s’occupaient plus de la science des âmes, d’après Swedenborg, que de celle des esprits, d’après Martinez.

Plus tard, parlant de son séjour parmi les illuminés de