Page:Nerval - Les Illuminés, 1852.djvu/54

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— Je ne suis pas si bien logé ! dit l’abbé de Bucquoy.

— Aussi je ne me plaignais que de manquer de serviettes et de draps, lorsque je vis arriver le porte-clés Ru avec du linge, des couvertures, des vases, des chandeliers et tout ce qu’il fallait pour que je pusse m’établir honnêtement dans ce pavillon.

Le soir était venu. On m’envoya encore deux garçons de la cantine guidés par Corbé, qui m’apportaient le dîner.

Il se composait : — d’une soupe aux pois verts garnie de laitues et bien mitonnée, avec un quartier de volaille au-dessus, une tranche de bœuf, un godiveau et une langue de mouton… Pour le dessert, un biscuit et des pommes de reinette… Vin de Bourgogne.

— Mais je me contenterais de cet ordinaire, dit l’abbé.

— Corbé me salua et me dit : « Payez-vous votre nourriture, ou en serez-vous redevable au roi ? »

Je répondis que je paierais.

N’ayant pas grand faim après le déjeûner que m’avait offert le gouverneur, j’avais prié Corbé de s’asseoir et de m’aider à tirer parti du plat ; mais il me répondit qu’il n’avait pas faim, et ne voulut même pas accepter un verre de Bourgogne.

— C’est son usage ! dit l’abbé de Bucquoy.

Une cloche avertit les prisonniers qu’il fallait rentrer dans leurs chambres.

— Savez-vous, dit Renneville en rentrant à l’abbé de Bucquoy, que ce Corbé est un homme à femmes.

— Comment, ce monstre !

— Un séducteur… un peu pressant seulement envers les dames prisonnières… Nous avons eu hier une scène fort désagréable dans notre escalier. On entendait un bruit énorme dans les cachots qui sont à la base de la tour. Ce bruit finit par s’apaiser…