Page:Nerval - Les Illuminés, 1852.djvu/60

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connaissance utile… Alors il l’envoyait chercher les petits paquets que lui jetait Falourdet et qu’elle lui rapportait fidèlement. On finit par s’apercevoir de ce manège. La correspondance des deux amis fut saisie, et ils reçurent un certain nombre de coups de nerfs de bœuf administrés par des soldats. Falourdet, comme le plus coupable, fut mis ensuite dans un cachot où se trouvait un mort qu’on ne vint chercher que le troisième jour. Plus tard, ayant reçu de l’argent, il rentra dans les bonnes grâces du gouverneur.

Lorsqu’il demeurait encore dans la Calotte, il avait aussi trouvé un moyen de correspondre avec sa femme, qui avait loué une chambre dans les premières maisons du faubourg Saint-Antoine. Il écrivait des lettres très grosses sur une planche avec du charbon, qu’il plaçait derrière sa fenêtre ; puis il parvenait, en les effaçant successivement et en en formant d’autres, à faire parvenir des phrases entières au dehors.

Un des assistants raconta là-dessus qu’il avait trouvé un système supérieur encore en dressant des pigeonneaux attrapés au sommet des tours, et en leur attachant sous les ailes des lettres qu’ils allaient porter à des maisons au dehors.

Tels étaient les principaux entretiens des prisonniers de cette tour du Coin où avaient séjourné précédemment Marie de Mancini, nièce de Mazarin, — qui créa, comme on sait, l’Académie des humoristes, — et plus tard la célèbre Mme Guyon, qui ne fit que passer à la Bastille, mais dont le confesseur y habitait encore à quatre-vingts ans, à l’époque où s’y trouvait l’abbé de Bucquoy, notre héros, lequel ne s’occupait guère, comme ses compagnons, à chercher des moyens de correspondance. Ne voyant pas son affaire prendre une meilleure tournure, il songeait même