Page:Nerval - Les Illuminés, 1852.djvu/66

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porte-clefs que cela lui servait à allumer le feu le matin. Pendant toute la journée, il tressait cet osier avec le fil emprunté à une partie de ses draps, de ses serviettes et de la toile de ses matelas, ayant soin, du reste, de refaire les ourlets des uns et de recoudre les autres de manière que l’on ne pût rien soupçonner.

Le baron de Peken travaillait, de son côté, à faire des outils avec des morceaux de fer dérobés çà et là, des débris de casseroles et de clous. On aiguisait ensuite toute cette ferraille, passée au feu, aux cruches de grès qui contenaient l’eau.

Les cordes d’osier et de fil étaient les plus embarrassantes. L’abbé de Bucquoy souleva quelques carreaux de la chambre, et parvint à établir une cachette imperceptible pour y garder ces matériaux. Un jour seulement, à force de creuser, il fit enfoncer le plancher, dont les solives étaient pourries, de sorte qu’il tomba, avec le baron de Peken, dans la chambre inférieure, qui était habitée par un jésuite…, dont l’esprit était troublé précédemment, et que cette aventure acheva de rendre fou.

L’abbé de Bucquoy et son compagnon n’avaient reçu que de faibles contusions. Le jésuite criait si haut : « Au secours ! à l’aide ! » que l’abbé l’engagea en latin à se tenir tranquille, lui promettant de l’associer à ses projets d’évasion. Le jésuite, faible d’esprit comme il l’était, crut qu’on en voulait à sa vie, et cria encore plus fort.

Les porte-clefs arrivèrent, et l’abbé de Bucquoy, ainsi que le baron, jetèrent à leur tour les hauts cris sur leur chute, due au peu de solidité du plafond.

On les remit dans leur chambre, et ils purent à temps faire disparaître les échelles de corde cachées sous les carreaux ainsi que la ferraille nécessaire à l’évasion ; seulement, un jour, ils virent venir un menuisier qui devait