Page:Nerval - Les Illuminés, 1852.djvu/77

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corps n’ont, selon l’abbé, ni existence, ni mouvement par eux-mêmes… Prétendra-t-on « qu’au centre de la matière un atôme pousse l’autre, et que l’ordre résulte de leur action réciproque ? » Voilà ce que l’abbé ne peut admettre sans l’intervention d’un Dieu.

« Les corps ont aussi peu par eux-mêmes le mouvement et la régularité du mouvement, que l’existence. À ce compte le hasard est-il quelque chose de tout cela ? Par là même il dépend. Subsiste-t-il par lui-même sans être rien de ce qu’on vous a dit ? Alors c’est Dieu. N’est-il ni l’un ni l’autre ? Ce n’est rien ! »

L’auteur, on le voit, lutte ici contre certaines idées cartésiennes qui préparaient déjà d’Holbach et La Mettrie ; il ne peut s’empêcher de faire encore, en finissant, une critique de la cour de Louis XIV, en disant : « Ô mon Dieu, on vous confesse assez de bouche ; mais qui est-ce qui vous avoue de cœur ? N’y aurait-il que vous, Seigneur, qui n’auriez aucun crédit parmi les hommes, si ce n’est comme prétexte à leur injustice ? »

Le gouvernement des Pays-Bas tint beaucoup compte des projets de l’abbé de Bucquoy ; mais il était difficile d’établir alors en France une république ; et, de plus, cela n’eût pu se faire que par le triomphe des alliés.

L’abbé n’eut donc que des succès de salon en Hollande, où il passa pour un profond métaphysicien. On l’écoutait avec faveur dans les réunions, et là il obtenait partout l’assentiment de cette France dispersée à l’étranger par les persécutions de toutes sortes, et qui se composait de catholiques hardis aussi bien que de protestants. Les deux partis s’unissaient dans la haine de celui qui se faisait adresser ces épithètes : Viro immortali, ou fit regio divo.

À propos du placet adressé au roi par sa tante, les dames de la Haye en blâmèrent le ton. Ce n’était plus, dit-