Page:Nerval - Les Illuminés, 1852.djvu/79

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trop jeune Quinte-Curce… « Gardez-vous, ajoute-t-il, d’un homme qui n’a qu’un livre dans sa poche.

« Déterminé soldat partout, grenadier par excellence, c’était son humeur ; mais les lectures de Quinte-Curce l’ont perdu. De sa gloire de Nerva, réduit à fuir à Pultava, aventurier à Bender, il se fait tuer sans besoin à Fredrichstahl !… »

Voilà à quels raisonnements politiques l’abbé de Bucquoy se livrait à Hanovre vers 1718. Mais en 1721 il ne se préoccupa plus que des femmes, faisant accessoirement des observations « sur la malignité du beau sexe ». On trouve dans ce nouveau livre cette phrase :

« Ô femme ! l’extrait d’une côte ! fille de la nuit et du sommeil : Adam dormait quand Dieu te fit… S’il eût été éveillé, peut-être aurait-on eu de meilleure besogne : ou bien il aurait prié le Seigneur de rendre l’os de ses os plus souple, du moins du côté de la tête. »

Adam aurait pu dire aussi à Dieu : « Laisse ma côte en repos : j’aime mieux être seul qu’en mauvaise compagnie… »

L’abbé de Bucquoy avait trouvé un grand accueil à la cour de Hanovre, où on lui donna un logement dans le palais. Seulement, il ne s’attendait pas à y trouver une dame nommée Martha, qui était la concierge et qui le fit souffrir en plusieurs occasions. Cette femme était fort avare, et tirait tout ce qu’elle pouvait de l’abbé.

Il était allé à Leipsick, et on lui avait envoyé de l’argent pendant son absence. En revenant, il n’entendit parler de rien ; mais une lettre l’avertit de ce qui lui était envoyé. Alors il se plaignit, et la concierge lui répondit que, dans son absence, elle avait employé l’argent, mais qu’elle le lui rendrait plus tard. Il se borna à lui répondre en allemand : Es ist nicht recht. (Ce n’est pas bien.)