Page:Nerval - Les Illuminés, Lévy, 1868.djvu/106

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sur le lit, et soutenant au bord cette tête blonde, si fraîche encore l’avant-veille. Au bout de deux heures de cette position fatigante, un grand soupir réveilla Zoé.

— Allez vous reposer à votre tour, dit-elle à Nicolas.

Et, relevant la tête de Zéfire, elle la posa sur l’oreiller. Zéfire avait rendu le dernier souffle. Nicolas, trompé par ses amis sur la gravité du mal, ne l’apprit que le lendemain.

— Et moi je vais mourir aussi ! dit-il avec calme.

Il était, — selon son expression même, — consolé par le désespoir.

Cependant il ne fit qu’une grave maladie, mêlée de délire et de léthargie ; les premiers mots qu’il prononça furent : « J’ai donc achevé de perdre Mme Parangon. » C’est que les traits de Zéfire lui avaient rappelé ceux de cette femme adorée, comme elle-même lui avait semblé avoir quelque ressemblance avec Jeannette Rousseau, son premier amour.

Cette théorie des ressemblances est une des idées favorites de Restif, qui a construit plusieurs de ses romans sur des suppositions analogues. Ceci est particulier à certains esprits et indique un amour fondé plutôt sur la forme extérieure que sur l’âme ; c’est, pour ainsi dire, une idée païenne, et il n’est guère possible d’admettre, comme Restif le prétend, qu’il n’a jamais aimé que la même femme… en trois personnes. Les ressemblances tiennent presque toujours à une même origine de pays ou de race, ce qui a pu se rencontrer sans doute pour Jeannette Rousseau et pour Mme Parangon. Aussi Restif suppose que Zéfire était, par sa mère, issue des mêmes contrées. En général, il y a un côté de ses systèmes philosophiques qui se mêle toujours aux récits les plus véridiques de sa vie. — Il croyait à la division des races comme un Indien, et repoussait, de par ce système, les doctrines d’égalité absolue ; le croisement même de familles étrangères ne lui semblait pas changer ce résultat, car il établissait qu’en général une partie des enfants tenait plus du père, une autre davantage de la mère, quoiqu’il admît bien en Europe un certain détritus de natures