Page:Nerval - Les Illuminés, Lévy, 1868.djvu/204

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— Point du tout, je vous l’ai dit : vous serez alors gouvernés par la seule philosophie, par la seule raison. Ceux qui vous traiteront ainsi seront tous des philosophes, auront à tout moment dans la bouche toutes les mêmes phrases que vous débitez depuis une heure, répéteront toutes vos maximes, citeront tout comme vous les vers de Diderot et de la Pucelle

On se disait à l’oreille :

— Vous voyez bien qu’il est fou (car il gardait le plus grand sérieux). Est-ce que vous ne voyez pas qu’il plaisante ? et vous savez qu’il entre toujours du merveilleux dans ses plaisanteries.

— Oui, reprit Chamfort ; mais son merveilleux n’est pas gai ; il est trop patibulaire. — Et quand tout cela se passera-t-il ?

Six ans ne se passeront pas que tout ce que je vous dis ne soit accompli

— Voilà bien des miracles (et, cette fois, c’était moi-même qui parlais, dit La Harpe) ; et vous ne m’y mettez pour rien ?

— Vous y serez pour un miracle tout au moins aussi extraordinaire : vous serez alors chrétien.

Grandes exclamations.

— Ah ! reprit Chamfort, je suis l’assuré ; si nous ne devons périr que quand La Harpe sera chrétien, nous sommes immortels.

— Pour ça, dit alors madame la duchesse de Grammont, nous sommes bien heureuses, nous autres femmes, de n’être pour rien dans les révolutions. Quand je dis pour rien, ce n’est pas que nous ne nous en mêlions toujours un peu ; mais il est reçu qu’on ne s’en prend pas à nous, et notre sexe…

Votre sexe, mesdames, ne vous en défendra pas, cette fois ; et vous aurez beau ne vous mêler de rien, vous serez traitées tout comme les hommes, sans aucune différence quelconque.

— Mais qu’est-ce que vous nous dites donc là, monsieur Cazotte ? C’est la fin du monde que vous nous prêchez.

— Je n’en sais rien ; mais ce que je sais, c’est que vous,