Page:Nerval - Les Illuminés, Lévy, 1868.djvu/233

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accomplies des esprits de Typhon. Il rangeait parmi ces dernières les oracles des sibylles favorables au Christ et les derniers oracles de l’Apollon de Delphes, qui furent cités par les Pères de l’Église comme preuves de la mission du Fils de l’homme.

D’après ce système, toute l’antique hiérarchie des divinités païennes aurait trouvé sa place dans les mille attributions que le catholicisme attribuait aux fonctions inférieures à accomplir dans la matière et dans l’espace, et seraient devenues ce qu’on a appelé les esprits ou les génies, lesquels se divisent en quatre classes, d’après le nombre des éléments : les sylphes pour l’air, les salamandres pour le feu, les ondins pour l’eau et les gnomes pour la terre.

Sur cette question de détail seule, il s’est élevé entre l’abbé de Villars et le père Bougeant, jésuite, une scission qui a occupé longtemps les beaux esprits du siècle dernier. Le dernier niait vivement la transformation des dieux antiques en génies élémentaires, et prétendait que n’ayant pu être détruits, en qualité de purs esprits, ils avaient été destinés à fournir des âmes aux animaux, lesquelles se renouvelaient en passant d’un corps à l’autre, selon les affinités. Dans ce système, les dieux animaient les bêtes utiles et bienfaisantes, et les démons les bêtes féroces ou impures. Là-dessus le bon père Bougeant citait l’opinion des Égyptiens quant aux dieux, et celle de l’Évangile quant aux démons. Ces raisonnements purent être exposés en plein xviiie siècle sans être taxés d’hérésie.

Il est bien clair qu’il ne s’agissait là que de divinités inférieures, telles que les faunes, les zéphirs, les néréides, les oréades, les satyres, les cyclopes, etc. Quant aux dieux et demi-dieux, ils étaient supposés avoir quitté la terre, comme trop dangereux, après l’établissement du règne absolu du Christ, et, avoir été relégués dans les astres, qui leur furent de tout temps consacrés, de même qu’au moyen âge on reléguait un prince rebelle, mais ayant fait sa soumission, soit dans sa ville, soit dans un lieu d’exil.