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traditions et les superstitions locales des nations de l’Europe.

Les templiers furent, entre les croisés, ceux qui essayèrent de réaliser l’alliance la plus large entre les idées orientales et celles du christianisme romain.

Dans le désir d’établir un lien entre leur ordre et les populations syriennes qu’ils étaient chargés de gouverner, ils jetèrent les fondements d’une sorte de dogme nouveau participant de toutes les religions que pratiquent les Levantins, sans abandonner au fond la synthèse catholique, mais en la faisant plier souvent aux nécessités de leur position.

Ce furent là les fondements de la franc-maçonnerie, qui se rattachaient à des institutions analogues établies par les musulmans de diverses sectes et qui survivent encore aux persécutions, surtout dans le Hauran, dans le Liban et dans le Kurdistan.

Le phénomène le plus étrange et le plus exagéré de ces associations orientales fut l’ordre célèbre des assassins. La nation des Druses et celle des Ansariés sont aujourd’hui celles qui en ont gardé les derniers vestiges.

Les templiers furent accusés bientôt d’avoir établi l’une des hérésies les plus redoutables qu’eût encore vues la chrétienté. Persécutés et enfin détruits dans tous les pays européens, par les efforts réunis de la papauté et des monarchies, ils eurent pour eux les classes intelligentes et un grand nombre d’esprits distingués qui constituaient alors, contre les abus féodaux, ce qu’on appellerait aujourd’hui l’opposition.

De leurs cendres jetées au vent naquit une institution mystique et philosophique qui influa beaucoup sur cette première révolution morale et religieuse qui s’appela pour les peuples du Nord la réforme, et pour ceux du Midi la philosophie.

La réforme était encore, à tout prendre, le salut du christianisme en tant que religion ; la philosophie, au contraire, devint peu à peu son ennemie, et, agissant surtout chez les peuples