Page:Nerval - Les Illuminés, Lévy, 1868.djvu/304

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Les neveux avaient déjà enfoncé la porte de la chambre de gauche, et accablaient de coups de plat de sabre l’infortuné Binet de Basse-Maison, lequel était, selon le rapport, « hasthmatique. » Le notaire, qui s’appelait Dionis, crut alors que la colère de Le Pileur serait satisfaite et qu’il arrêterait ses neveux ; il ouvrit donc la porte et lui fit ses remontrances. À peine dehors, Le Pileur s’écria :

— On va voir beau jeu !

Et, arrivant derrière ses neveux, qui battaient toujours Basse-Maison, il lui porta un coup d’épée dans le ventre.

La pièce qui relate ces faits est suivie d’une autre plus détaillée, avec les dépositions de treize témoins, dont les plus considérables étaient les deux procureurs et le notaire.

Il est juste de dire que ces treize témoins avaient lâché pied au moment critique. Aussi, aucun ne rapporte qu’il soit absolument certain que Le Pileur ait donné le coup d’épée.

Le premier procureur dit qu’il n’est sûr que d’avoir entendu de loin les coups de plat de sabre.

Le second dépose comme son confrère.

Un laquais nommé Barry s’avance davantage. Il a vu le meurtre de loin par une fenêtre ; mais il ne sait si c’était Le Pileur ou un habillé de gris blanc qui a donné à Basse-Maison un coup d’épée dans le ventre. Louis Calot, autre laquais, dépose à peu près de même.

Le dernier de ces treize braves, qui est le moins considérable, le clerc du notaire, a veu la dame Le Pileur faire main-basse sur plusieurs des papiers du défunt. Il a ajouté qu’après la scène, Le Pileur est venu tranquillement chercher sa femme dans la salle où elle était, et « qu’il s’en alla dans son carrosse avec elle et les deux hommes qui avaient fait la violence. »

La moralité manquerait à ce récit instructif, touchant les mœurs du temps, si l’on ne lisait à la fin du rapport cette conclusion remarquable :

« Il y a peu d’exemples d’une violence aussi odieuse et