Page:Nerval - Les Illuminés, Lévy, 1868.djvu/327

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’ajouter des habits de serge en couleurs éclatantes. L’éclat des gilets suffira, à la rampe, pour satisfaire le public.

C’est ainsi que fut montée la Duchesse de la Vaubalière, où les gilets de la Régence éblouirent longtemps les amateurs instruits qui formaient des queues mirifiques avec des billets à cinquante et à soixante-quinze centimes.

— Ce succès-là m’a ruiné, me disait plus tard Harel.

Et il me montrait les livres qui constataient une moyenne de recettes de huit cents francs pour les vingt premières représentations.

Ensuite, cela baissait sensiblement. Alors, je me suis dit :

— Ne croyons plus aux grands succès dramatiques.

Je continuai à m’inquiéter des accessoires. Il s’agissait de seize casquettes d’étudiants et de seize masques pour la scène de la Sainte-Wehmé, — masques en velours noir, nécessairement, — qui avaient été bien connus par les représentations du Bravo, de Lucrèce Borgia et d’une foule d’autres drames.

Les casquettes n’arrivèrent qu’au premier entr’acte ; mais on me dit :

— Les masques ne peuvent tarder d’arriver.

On juge mal, dans les coulisses ; c’est le sort des hommes d’État. Le public écoutait avec un silence merveilleux. Le troisième acte ayant fini, je conçus une inquiétude touchant les seize masques qui devaient servir au quatrième acte.

Je montai jusque dans les combles du théâtre. Quelques figurants revêtaient des costumes de gardes nobles allemands, bleus avec des torsades jaunes ; d’autres, des costumes de sicaires et de trabans, qui les humiliaient beaucoup.

Quant aux étudiants, ils s’habillaient sans crainte, étant assurés de leurs casquettes, et ne songeaient pas qu’il fallait avoir des masques pour la scène de vente du quatrième acte.

— Où sont les masques ? dis-je.

— Le chef des accessoires ne les a pas encore distribués.

J’allai trouver Harel.

— Les masques ?