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n’avais pu prendre encore que quelques notes, eussent été fermées aujourd’hui, jour de la Toussaint,

À l’hôtel de la Cloche, célébré déjà par Alexandre Dumas, on menait grand bruit, ce matin. Les chiens aboyaient, les chasseurs préparaient leurs armes ; j’ai entendu un piqueur qui disait à son maître :

— Voici le fusil de M. le marquis.

Il y a donc encore des marquis !

J’étais préoccupé d’une tout autre chasse… Je m’informai de l’heure à laquelle ouvrait la Bibliothèque.

— Le jour de la Toussaint, me dit-on, elle est naturellement fermée.

— Et les autres jours ?

— Elle ouvre de sept heures du soir à onze heures.

Je crains de me faire ici plus malheureux que je n’étais. J’avais une recommandation pour l’un des bibliothécaires, qui est en même temps un de nos bibliophiles les plus éminents. Non-seulement il a bien voulu me montrer les livres de la ville, mais encore les siens, parmi lesquels se trouvent de précieux autographes, tels que ceux d’une correspondance inédite de Voltaire, et un recueil de chansons, mises en musique par Rousseau et écrites de sa main, dont je n’ai pu voir sans attendrissement la belle et nette exécution, — avec ce titre : Anciennes Chansons sur de nouveaux airs. — Voici la première dans le style marotique :

Celui plus je ne suis que j’ai jadis été,
Et plus ne saurais jamais l’être :
Mon doux printemps et mon été
Ont fait le saut par la fenêtre, etc.


Cela m’a donné l’idée de revenir à Paris par Ermenonville, ce qui est la route la plus courte comme distance et la plus longue comme temps, bien que le chemin de fer fasse un coude énorme pour atteindre Compiègne.

On ne peut parvenir à Ermenonville, ni s’en éloigner, sans