Page:Nerval - Les Illuminés, Lévy, 1868.djvu/344

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Quand ils semblaient être arrivés à une immobilité complète, il disait au public réuni, au moyen d’un gazouillement joyeux produit à laide d’une pratique cachée dans sa bouche :

— Maintenant, messieurs, vous le voyez tous, je viens d’endormir ces oiseaux, qui peuvent rester plusieurs heures dans un état complet d’immobilité, résultat de leur éducation. Afin que le public puisse apprécier leur tranquillité, je vais les laisser dans cet état, dont je ne les tirerai qu’après avoir vendu vingt bouteilles d’une eau… également bonne pour détruire les insectes et généralement toutes les maladies.

Ce boniment, bien connu, surprenait toujours néanmoins un certain nombre d’assistants.

La vente de vingt flacons à 50 centimes était le maximum de la recette possible. De sorte qu’après quelques flacons vendus, le public s’éclaircissait peu à peu, et finissait par se réduire aux simples habitués, gens curieux toujours, mais qui connaissaient trop le monde pour se laisser aller à ce versement d’un demi-franc. Le vendeur n’arrivant pas à placer le nombre voulu de ses fioles, reprenait avec humeur les trois oiseaux endormis, et les replaçait dans sa boîte en se plaignant du malheur des temps.

On disait dans le cercle :

— Ils ne sont pas endormis, ses oiseaux : ils sont morts !

Ou bien :

— Ils sont empaillés !

Ou encore :

— Il leur a fait boire quelque chose !…

Un jour, le cercle avait fini par se réduire à un enfant de cette race parisienne obstinée de sa nature et qui veut toujours savoir le fond des choses. Les oiseaux allaient rentrer dans la boîte lorsqu’il passa par hasard un groupe de gens de la banlieue, qui achetèrent en masse plus de fioles qu’il n’en fallait pour compléter le nombre de vingt.

Comme ils n’avaient pas entendu la première annonce, ils