Page:Nerval - Les Illuminés, Lévy, 1868.djvu/361

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venir un maréchal du village pour lever la serrure du coffre, sous prétexte que la clef était perdue.

« Mais, dit-elle, ce ne fut pas tout, car mon frère le chevalier, qui était resté seul avec moi, et qui était petit, me dit, lorsqu’il vit que j’avais donné des commissions à tous, et que j’avais fermé moi-même la première porte du château :

» — Ma sœur, si vous voulez voler papa et maman, pour moi, je ne le veux pas faire ; je m’en vais trouver vitement maman.

» — Va, lui dis-je, petit impudent, car aussi bien le saura-t-elle de ma bouche ; et, si elle ne me fait raison, je me la ferai bien moi-même.

» Mais c’était au plus loin de ma pensée que je disais ces paroles. Cet enfant s’en courait pour aller dire ce que je voulais tenir caché ; mais, se retournant toujours pour voir si je ne le regardais pas, il s’imagina que je ne m’en souciais guère, ce qui le fit revenir. Je le faisais exprès, sachant qu’aux enfants tant plus on leur montre de crainte, et plus ils ont d’ardeur à dire ce qu’on les prie de taire. »

La nuit étant venue, et l’heure du coucher approchant, Angélique donna le bonsoir à sa mère avec un grand sentiment de douleur en elle-même, et, rentrant chez elle, dit à sa fille de chambre :

— Jeanne, couchez-vous ; j’ai quelque chose qui me travaille l’esprit ; je ne puis me déshabiller encore…

Elle se jeta toute vêtue sur son lit en attendant minuit.

La Corbinière fut exact.

« Oh Dieu ! quelle heure ! écrit Angélique ; je tressaillis toute lorsque j’entendis qu’il jetait une petite pierre à ma fenêtre… car il était entré dans le petit jardin. »


P.-S. — On m’écrit aujourd’hui d’une bibliothèque publique de Paris qu’il a existé deux abbés de Bucquoy, un vrai et un faux.