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Lettre qu’elle écrit au célestin son cousin, quatre ans après son retour de Nivillers.


« Le 2 janvier 1646.

» Monsieur mon bon papa (elle appelait ainsi le célestin),

» Je vous supplie, très-humblement, de n’attribuer mon silence à manque du ressentiment que j’aurai toute ma vie de vos bontés, mais bien de honte de n’avoir encore que des paroles pour vous le témoigner. Vous protestant que la mauvaise fortune me persécute au point de n’avoir de chemise au dos. Ces misères m’ont empêché jusqu’ici de vous écrire et à madame Boulogne, car il me semble que vous deviez recevoir autant de satisfaction de moi comme vous en avez été travaillés tous deux. Accusez donc mon malheur et non ma volonté, et me faites l’honneur, mon cher papa, de me mander de vos nouvelles.

Votre très-humble servante.

A. de Longueval.

(À M. de Goussencourt, aux Célestins, à Paris.)


On ne sait rien de plus. — Voici une réflexion générale du célestin Goussencourt sur l’histoire de cet amour, dans lequel l’imagination simple du moine, ne pouvant admettre, du reste, l’amour de sa cousine pour un petit charcutier, rapportait tout à la magie ; — voici sa méditation :

« La nuit du premier dimanche de carême 1632 fut leur départ ; — retour en 1642, en carême, — Leurs affections commencèrent trois ans avant leur fuite. — Pour se faire aimer, il lui donna des coiffures qu’il avait fait faire à Clermont, et où il y avait des mouches cantharides, qui ne firent qu’échauffer la fille, mais non aimer ; puis il lui donna d’un coing cuit, et, depuis, elle fut grandement affectionnée. »

Rien ne prouve que le frère Goussencourt ait donné une chemise à sa cousine. Angélique n’était pas en odeur de sainteté dans sa famille, et cela paraît en ce fait qu’elle n’a pas