Page:Nerval - Les Illuminés, Lévy, 1868.djvu/445

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avait rencontrés en Bourgogne, et à qui il avait offert de se mettre à leur tête… Un seigneur riche, aventureux et puissant comme lui par ses relations en France et au dehors était bien ce qu’il leur fallait.

Qu’était-ce que le capitaine Roland, déguisé plus tard en sergent d’une fausse patrouille ?

Un ancien chef de partisans des Cévennes, qui s’était échappé par les pays de l’Est après la capitulation de Cavalier. Pendant que ce chef, qui avait obtenu son pardon au prix du sang de ses frères, paradait à Versailles comme un chef de tribus vaincues, Roland, aidé par les bandes de faux saulniers mélangés, comme on le sait, de protestants, de déserteurs et de paysans réduits à la misère, — tentait de gagner le Nord pour s’y réfugier au besoin. En attendant, ses gens faisaient du faux saulnage, aidés en secret par la population et les soldats mal payés des troupes royales. On mettait le feu à une maison, toute la ville se portait là. Pendant ce temps, les faux saulniers, nombreux et bien armés, faisaient entrer des sacs de sel par quelque rempart mal surveillé. Puis, au besoin, ils se battaient en fuyant et se rejetaient dans le bois. Si les archives de Soissons étaient classées, nous pourrions savoir au juste pourquoi ces faux saulniers, qui étaient surtout des partisans, avaient dévalisé la boutique d’un orfèvre de la rue de l’intendance. Voici, toutefois, ce que nous avons appris par des récits du temps.

À l’époque où les protestants quittaient la France sans avoir le loisir de mettre ordre à leurs affaires, des bijoux d’un grand prix avaient été déposés chez ce marchand, qui faisait un peu d’usure, et il avait prêté sur ces nantissements quelques sommes très-inférieures à leur valeur. Depuis, des personnes envoyées par les réfugiés étaient venues réclamer leurs bijoux en payant ce qui était dû. L’orfèvre avait trouvé fort simple de s’acquitter en dénonçant les réclamants à la justice. De là le motif de l’expédition à laquelle concourait le capitaine Roland.

Quel beau roman cependant on eût pu faire avec ces don-