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Cette fois, les élèves se prononcèrent pour le maître. Nicolas osa s’avancer vers le recteur et lui dit :

— Je tiens de mon père, que j’en croirai mieux que vous, que voilà le Testament de Jésus-Christ.

— Ton père était un huguenot, répondit le recteur.

Ce mot était alors le synonyme d’athée. La scène finit par l’intervention de deux prêtres de la maison qui s’appliquèrent à calmer les esprits ; mais l’abbé Thomas sentit qu’il fallait quitter la place. En effet, quelques jours plus tard, il fut averti que l’ordre d’expulsion des jansénistes allait être expédié. Il était prudent de le prévenir. Les élèves furent renvoyés à leurs parents, puis le maître se mit en route avec son sous-maître et Nicolas pour retourner à Sacy.

IV

JEANNETTE ROUSSEAU

En retournant à son village, Nicolas frémissait de joie ; quand il aperçut les collines de Côte-Grêle son cœur bondit et ses larmes coulèrent en abondance. Il découvrit bientôt le Vendenjeau, la Farge, Triomfraid, le Boutparc enfin, derrière lequel était son vallon. Il voulut faire partager son enthousiasme à l’abbé Thomas, et se livra à une énumération pittoresque, à laquelle ce dernier répondit :

— Je conçois que tout cela est fort touchant puisque vous pleurez ; mais nous approchons de Sacy, récitons sextes avant d’y entrer.

L’abbé Thomas ne se plaisait pas dans la maison paternelle. Dès le lendemain, il emmena Nicolas chez son frère aîné, curé à Courgis, pour lui enseigner le latin. Les fables de Phèdre et les églogues de Virgile ouvrirent bientôt à l’imagination du jeune homme des horizons nouveaux et charmants. Les dimanches et les fêtes, l’église se remplissait d’une foule de jeu-