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— Je crois, en vérité, que ces positions-là… augmentent l’amour.

— Bien sûrement, madame, elles l’augmentent à un point…

— Eh ! comment le savez-vous à votre âge ?

Nicolas fut embarrassé, il rougit. Un moment après, il osa dire :

— Je le sais aussi bien que Rodrigue.

— Mme Parangon se leva avec un éclat de rire, et elle reprit d’un ton plus, sérieux :

— Je vous souhaite les vertus de Rodrigue, et surtout son bonheur !

Nicolas sentit, à travers l’ironie bienveillante qui termina cette conversation, qu’il avait été un peu loin. Mme Parangon s’était retirée, mais ses mules aux boucles étincelantes étaient restées près du fauteuil. Nicolas les saisit avec une sorte d’exaltation, en admira la forme et osa écrire en petits caractères, dans l’intérieur de l’un de ces charmants objets : « Je vous adore ! » Puis, comme Tiennette rentrait, il lui dit de les reporter.

VII

L’ÉTOILE DE VÉNUS

Cette action étrange, cette déclaration d’amour si singulièrement placée, cette audace surtout pour un apprenti de s’adresser à l’épouse du maître, était un premier pas sur une pente dangereuse où Nicolas ne devait plus s’arrêter. On l’a vu jusqu’ici céder facilement sans doute aux entraînements de son cœur ; nous avons dû taire même bien des aventures dont les jeunes filles de Sacy et d’Auxerre étaient les héroïnes, souvent adorées, souvent trahies… Désormais cette âme si jeune encore ne se sent plus innocente ; c’était la minute indécise entre le bien et le mal, marquée dans la vie de chaque homme, qui décide de toute sa destinée. Ah ! si l’on pouvait arrêter l’ai-