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être ni très-honorable ni très-prudent. Ce ne fut qu’en 1793 que Nicolas osa raconter le dernier épisode ; le premier avait paru en 1746, mais déguisé de telle manière, qu’on ne pouvait en reconnaître les personnages. De telles aventures étaient fréquentes à cette époque, où elles eurent lieu quelquefois même du consentement des maris, soit dans l’idée de conserver des titres ou des privilèges dans une famille, soit pour empêcher de grands biens d’aller à des collatéraux par suite d’unions stériles.

XII

ZÉFIRE

Après l’histoire de ce caprice de grande dame, il faudra descendre bien bas dans la foule, il faudra monter bien haut dans les sentiments pour s’expliquer les circonstances bizarres du récit que nous avons à faire. Depuis la mort de Mme Parangon, nul épisode ne fut plus douloureux dans l’existence de l’écrivain, et il l’a reproduit lui-même sous la triple forme du roman, du drame et des mémoires. Ceci se rapporte encore à l’époque où, toujours ouvrier compositeur, il n’avait encore publié aucun livre. Il dut sans doute à cette aventure l’idée de l’un de ses premiers ouvrages.

Nicolas passait un dimanche près de l’Opéra, qui se trouvait alors faire partie du Palais-Royal. — Il remarqua à une fenêtre de la rue Saint-Honoré une jeune fille qui chantait en pinçant de la harpe. Elle paraissait n’avoir que quatorze ans ; son sourire était divin, son air vif et doux, le son de sa voix pénétrait le cœur ; elle se leva, et sa taille guêpée, comme on disait alors, se mouvait avec une désinvolture adorable. Un instant, Mme Parangon fut oubliée ; — un instant après, son souvenir plus vif rendit à Nicolas la force de fuir la sirène.

En retournant le soir chez lui, rue Sainte-Anne, il revint par