Page:Nerval - Lorely, 1852.djvu/113

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sent été le partage de l’homme, dit-on, alors que le mal n’eût pas été connu.

Sans nous arrêter au chœur infernal, dont la déclamation rappelle le style de Gluck, et produit une terreur indéfinie, sourde et pénible comme l’approche d’une puissance malfaisante, nous ne parlerons que du chœur des Muses, qui termine la pièce, et qui nous paraît le plus grandement conçu. Il est simple et richement nuancé, plein de force et de grâce en même temps. Il s’évase comme la large coupe de ces fleurs rnonopétales au tissu aussi ferme et moelleux que le velours, aux rainures accentuées et aux suaves parfums.

Liszt, en entreprenant cette lâche, avait hasardé une difficulté des plus malaisées à vaincre. Il lui fallait trouver un style musical approprié à une œuvre assez étrange, qui n’avait pour ainsi dire ni sol ni cadre. Il lui fallait conserver un caractère d’unité au milieu d’une grande diversité de motifs ; ne point s’éloigner de la majesté et de la plasticité antiques ; mouvementer et passionner des personnages symboliques ; donner un corps et une vie à des idées abstraites ; formuler en plus des sentiments profonds et violents, sans l’aide de l’intrigue dramatique, sans le secours de la curiosité qui s’attache à la succession des événements. Par la beauté frappante et l’attrait incontestable de ses mélodies, il a échappé aux dangers contradictoires