Page:Nerval - Lorely, 1852.djvu/140

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
112
LORELY

Lewald aura laissé ici, quand il fut forcé départir, quelque passion bien romanesque, bien poétique… et c’est d’une trahison qu’il souffre, c’est une infidèle qu’il pleure.

frantz. Non, madame ! personne ne m’a jamais rien promis ! Suis-je capable d’aimer seulement ? je n’en sais rien : si j’aimais, je crois que ma passion serait grande comme le monde et vague comme l’infini ! N’est-ce pas dire assez que ce n’est point à des créatures mortelles que s’adresserait mon désir ; mais à de saintes idées, à des abstractions mystiques de religion, de gloire, de patrie, qui ont été les premiers germes de mon éducation, et vers lesquelles s’est tourné le premier éveil de mon cœur ?

diana. Il finira sous la robe d’un moine ou sous la toge d’un Romain !

frantz. Hélas ! tout cela est bien ridicule à dire, j’en conviens ; je n’aurais pas dû parler ainsi devant des femmes : mais pardonnez-moi, vous si bonnes et si indulgentes toujours ! en vous retrouvant, je n’ai pu résister à cette longue effusion de pensées longtemps contenues ; et je vous le dis, j’ai honte de vous ouvrir ainsi mon cœur froid à l’amour et tout de flamme aux rêveries. Que voulez-vous ? c’est à demi la faute de l’éducation, à demi la faute du temps. Ce siècle, qui ne compte pas encore vingt années, s’est levé au milieu de l’orage et de l’incen-