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LORELY

leurs ma part est si belle que j’aurais tort de refuser quelque chose aux sympathies de la foule, fussent-elles irréfléchies. Toute génération nouvelle a ses passions comme tout homme, et la passion, n’est-ce pas ce qu’il y a de plus beau sous le ciel ? Religion, guerre, liberté, ce sont là les amours des peuples : et qu’importe si l’une conduit au martyre, l’autre à la servitude, l’autre au néant ?…

léo. Vous traitez légèrement ces questions, monseigneur ; que Dieu vous fasse la grâce de n’avoir pas un jour à les envisager de plus haut ! Vous parlez là de l’excès qui perd tout ; et la passion qui conduit à la mort n’est pas celle qu’il faut désirer quand on est chrétien. La liberté n’est pas pour nous une amante insensée, mais une chaste épouse, et nous demandons que le nœud qui nous unira soit reconnu par le prince, et béni par le ciel.

le prince. Je sais toute la modération de vos principes, toute la légitimité de vos espérances-, et pourtant vous avez mis en danger la sûreté d’un grand pays… Vous philosophe, vous écrivain, vous avez ouvert une porte à la guerre et une autre à la révolte… Qui les fermera maintenant ?

léo. Que dites-vous, monseigneur ? ai-je donc un tel pouvoir, et cela est-il en effet ?

le prince. Ne faites pas de fausse modestie ; vous savez qu’il y a des paroles qui tuent, et que, grâce à la presse, l’intelligence marche aujourd’hui sur la