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SCÈNES DE LA VIE ALLEMANDE.

terre, comme ce héros antique qui semait les dents du dragon ! Or vous avez laissé tomber la parole sur une terre fertile ; si bien qu’elle perce le sol de tous côtés, et qu’elle va nous amener une terrible récolte, si celui qui l’a semée n’est point là pour la recueillir.

léo. Qu’est-il donc arrivé déjà ?

le prince. Une émeute a éclaté à la suite de la condamnation du journal auquel vous adressiez vos articles. Elle a été comprimée aussitôt ; mais mon fière Léopold, ce prince faible, qui m’avait exilé, comme il vous avait banni, s’est retiré dans un couvent aux premiers instants de trouble, et n’en a plus voulu sortir ensuite. C’est sur moi qu’il rejette cette lourde couronne que vous avez imprudemment ébranlée. Voilà pourquoi je viens à vous, monsieur.

léo. Votre Altesse voudrait…

le prince. Écoutez : nous n’avons pas un instant à perdre ; convenons de tout. Il y a dans les pouvoirs une hiérarchie qu’il faut respecter. Dès à présent vous serez conseiller intime ; dans un mois député à la diète, un mois après ministre.

léo. Ce serait donc à moi, maintenant, de faire mes réserves et mes conditions.

le prince. Je sais tout ce que vous allez me dire. Vous tenez à réaliser certaines idées contenues dans vos écrits. Vous en croyez l’exécution possible, et je