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SCÈNES DE LA VIE ALLEMANDE.

leste de chasser toute triste pensée et tout fatal souvenir !

marguerite. Ah ! Léo ! pourquoi m’as-tu oubliée si longtemps ? Pourquoi reviens-tu si tard ? Comment n’as-tu pas vu combien je souffrais ? Que tu m’aurais épargné de larmes, Léo… (à part) et de remords peut-être…

léo. As-tu regretté quelquefois notre petite maison de Francfort, le temps où nous étions pauvres, inconnus, où notre amour était notre richesse et notre lumière ?

marguerite. Tu le demandes, Léo ! Ah ! Dieu m’en est témoin, combien de fois, seule dans mon oratoire… (Elle hésite, en pensant au rendez-vous de Frantz.)

léo. Eh bien ?

marguerite. Ah !

léo. Achève donc ?…

marguerite. J’ai demandé, les genoux sur le marbre, le front dans la poussière, j’ai demandé au ciel, pardonne-le-moi, Léo ! qu’il t’enlevât ton rang, tes honneurs, ton génie même, pour que nous nous retrouvions seuls à seuls avec notre amour.

léo. Eh bien ! Marguerite, Dieu t’a exaucée !

marguerite. Que dis-tu ? On t’enlève tout cela ?

léo. Non, je m’en dépouille !… Un jour encore, et j’aurai arraché de mes épaules cette robe de Nessus qui me dévorait !… Marguerite ! nous revenons