Page:Nerval - Lorely, 1852.djvu/336

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avec le gouvernement. C’est la première fois que cela m’arrivait en Belgique, où j’ai passé bien souvent dans ma vie, puisque c’est la route de l’Allemagne. Un sage de l’antiquité partait pour un voyage, lorsqu’au sortir de la ville on lui demanda : « Où allez-vous ? — Je n’en sais rien, » répondit-il. Sur cette réplique, on le conduisit en prison. « Vous voyez bien, dit-il, que je ne savais pas où j’allais. » Je pensais à cette vieille anecdote en traversant la cour splendide de ce même hôtel de ville que je n’avais admiré que du dehors. — L’employé à qui je me présentai me dit : « Vous êtes réfugié ? — Non. — Exilé ? — Nullement. — Cependant vous voici inscrit sur ce livre en cette qualité. — C’est sans doute qu’à la frontière on aura porté ce jugement d’un homme qui venait seul à Bruxelles, tandis que tout Bruxelles se dirigeait vers Paris. Certes, je n’y ai pas mis d’intention, j’étais parti depuis huit jours. » Déjà j’étais effacé de la liste fatale, et l’on me dit d’un ton bienveillant : « Où allez-vous ? — En Hollande. — Vous aurez peut-être de la peine à y séjourner. — Je ne le pense pas, je n’y vais que pour voir les fêtes données pour l’inauguration de la statue de Rembrandt. — Oui, dit un employé qui dressa la tête derrière une table voisine, ils disent qu’ils ont une statue, savez-vous ? qui est encore plus belle que la nôtre de Rubens, à Anvers. Il faudra voir cela, savez-vous ? — Je le verrai bien, mon-